Petit rappel de ce qu’est la méditation de pleine conscience :

La méditation de pleine conscience s’inspire de la tradition bouddhiste vieille de plus de 2500 ans. Elle est une pratique laïque et ouverte à tous. Elle se définit comme un état de conscience résultant de l’attention portée de manière intentionnelle sur l’instant présent (sensations physiques, pensées, émotions), avec équanimité, c’est-à-dire sans porter de jugement et sans vouloir intervenir pour changer immédiatement la situation. J. Kabat-Zinn, en 1979, a été le premier à intégrer la méditation dans le monde médical, en créant un programme de gestion du stress basé sur la pleine conscience (MBSR, mindfulness – based stress reduction) (réf 3). Puis, s’inspirant de ce modèle, S.Z. Segal et son équipe s’intéressent cette fois à la dépression et développent un programme pour la prévention de la rechute chez les personnes dépressives (MBCT, mindfulness- based cognitive therapy) (réf 4). Dans le monde francophone, le psychiatre Christophe André a joué un rôle actif pour transmettre la pratique de méditation de pleine conscience à un large public. Bon nombre de ses livres sont des références, si vous souhaitez vous initier (réf 5).

 

Quel intérêt pour le domaine des addictions ?

Dans le domaine des addictions, le programme de prévention de la rechute MBRP s’inspire du programme MBCT. Il a pour objectif de permettre aux personnes dépendantes d’intégrer des outils afin de mieux faire face au craving (le manque). Il s’agit d’une méthode expérientielle plutôt que d’un cours. Par la pratique de la méditation de pleine conscience, il est possible « de développer une meilleure conscience et acceptation du craving, ainsi que des situations d’inconfort liées au besoin de consommer » (réf 6). Ce modèle est composé de huit séances structurées de deux heures par semaine, en groupe fermé, avec invitation pour les participants de pratiquer 30 à 45 minutes de méditation quotidiennement à domicile. La structure des séances est la même chaque semaine. Pour commencer, les participants sont invités à effectuer une expérience de pleine conscience. Ensuite, l’animateur encourage les participants à s’exprimer sur leurs expériences, ceci avec une attitude de non jugement. Après les huit séances, les patients sont incités à continuer à pratiquer par eux-mêmes ou ils peuvent intégrer des groupes de pratique régulière.

 

Peu à peu, la différence entre « penser quelque chose » et « s’apercevoir que l’on pense quelque chose » deviendra une évidence. C’est ce qu’on appelle la lucidité, et ça nécessite un travail régulier.

Christophe André

La pratique au Centre Phénix Envol :

Nous proposons une pratique un peu différente au Centre Phénix Envol, même si nous reprenons les outils proposés dans la méthode MBRP. Il s’agit de groupes ouverts, les mercredis à 12h30 et les vendredis à midi. La participation est donc libre (les nouveaux patients reçoivent toutefois une information avant leur premier groupe ou commencent par des pratiques en individuel) et les patients peuvent venir à l’un des deux groupes ou aux deux. Il n’y a pas un programme progressif, chaque séance est une expérience en soi d’immersion dans le processus méditatif. Les patients chevronnés côtoient donc ceux qui débutent et généralement les accueillent en exprimant ce que la méditation leur apporte. La durée de la pratique est de 45 min. suivie d’un moment de partage sur l’expérience vécue. Cette formule est intéressante car elle permet à toute personne expérimentée ou novice d’avoir un espace de pratique avec le soutien d’un groupe. Ressentir la présence d’autres méditants dans la même pièce encourage à rester dans l’expérience. Nos objectifs principaux sont de permettre aux patients de mieux appréhender leurs émotions, d’apaiser leur anxiété et de diminuer l’impulsivité en améliorant la tolérance aux frustrations. En conséquence, le risque de recourir aux conduites addictives pour échapper à l’inconfort émotionnel devrait alors diminuer.

 

Qu’en pensent les méditants ?

Pour le savoir nous avons questionné cinq patients parmi les plus assidus de notre groupe sur leur vécu de la méditation au travers des questions suivantes :

  1. Comment, quand et pourquoi avez-vous commencé la méditation?
  2. Comment la pratiquez-vous (à l’Envol et/ou dehors de l’Envol) ?
  3. Qu’est-ce que la méditation vous a appris ou apporté ?
  4. La pratique de la méditation a-t-elle changé quelque chose à votre quotidien, votre façon d’être ?
  5. Est-ce que la méditation vous aide pour votre problème d’addiction ? Comment ?
  6. Est-ce que quelque chose vous a surpris, au cours de l’expérience de la méditation ?
  7. Qu’est-ce qui vous plait ou déplait particulièrement dans la méditation ?
  8. Est-ce qu’il y a une expérience de méditation que vous aimeriez partager ?
  9. Comment inviteriez-vous une connaissance à faire l’expérience de la méditation ?

 

Voici un condensé de leurs partages :

La plupart de nos patients ont commencé ce groupe sur conseil de leur médecin ou autre thérapeute. Ils ne pratiquaient pas auparavant. Leur motivation était de chercher un moyen de diminuer leur anxiété, de mieux dormir, d’améliorer leur capacité de concentration et de se sentir moins stressé. Deux patients pratiquaient déjà bien avant leurs soins à l’Envol, l’un avait commencé suite à un burnout. Il est difficile d’amener les patients à pratiquer en dehors du groupe formel de l’Envol, néanmoins certains utilisent des applications dédiées que nous leur conseillons ou des vidéos trouvées sur YouTube. (Vu la diversité de ce qui y est proposé, nous donnons volontiers des noms de références à nos patients). Avec le temps et la répétition de la pratique, ils parviennent néanmoins à appliquer au quotidien certaines attitudes exercées pendant les séances de groupe. Il s’agit notamment de prendre un temps pour se connecter à la respiration lors de moments de tensions, avant des échéances difficiles et lors d’émotions douloureuses. Cela permet aussi une analyse des pensées anxiogènes qui favorise leur assouplissement ainsi que l’acceptation des aléas de la vie. Certains patients élargissent la pratique avec des sorties en pleine conscience dans la nature par exemple. Au fil du temps, ils deviennent plus positifs, moins angoissés, ils décrivent trouver une paix intérieure et moins somatiser leurs émotions (diminution de symptômes comme la boule au ventre). Mais les apports ne sont pas que cognitifs, certains patients découvrent le lien avec le ressenti corporel (une pratique courante des séances de méditation est le balayage corporel où l’on observe attentivement toutes les sensations, évidentes ou subtiles, du sommet du crâne au bout des orteils, à fleur de peau comme à l’intérieur du corps). Ceux qui pratiquent depuis longtemps incarnent cette attitude méditative d’observation et d’acceptation de ce qui est (avant de convenir de ce qu’il y a lieu de faire), de non-jugement, dans leur fonctionnement quotidien. Il s’agit aussi de ne faire qu’une chose à la fois, sans ruminer le passé ou anticiper ce qui viendra peut-être, de faire la différence entre nos pensées qui sont une interprétation possible parmi d’autres de la réalité et les faits objectifs. Les patients ont l’impression de devenir plus positifs, dans la gratitude plutôt que l’apitoiement, et de mieux connaître et comprendre leur propre fonctionnement. Ils ont alors plus de capacités à affronter les problèmes de la vie, et donc moins de risques de recourir à la consommation de produits psychotropes. L’apport de la méditation sur les problèmes d’addictions est indirect. Mais apprendre à être avec les difficultés, avec moins de peur en sachant que tout évolue et se transforme dans le temps (principe bouddhiste d’impermanence) et apaiser son état émotionnel par la conscience de la respiration principalement, sont de bonnes alternatives aux conduites addictives. Rester immobile (tant que raisonnablement possible), malgré des inconforts et douleurs, renforce notre résistance à la frustration. Rester dans l’instant présent plutôt que ruminer le passé ou s’angoisser de l’avenir soulage. Ce qui n’empêche pas d’apprendre du passé, d’organiser sa vie et de se préparer à ses échéances. Les patients relèvent également le soutien perçu dans la méditation en groupe versus la pratique individuelle.

 

Conclusion :

Nous aimerions faire part de notre plaisir à conduire ce groupe. Gabrielle guide le groupe du mercredi et Cédric celui du vendredi, ce qui qui offre aux patients la possibilité de bénéficier de sensibilités complémentaires. Selon la terminologie en usage, on parle de conducteur du groupe plutôt que de thérapeute ou d’animateur, puisque celui-ci participe également à l’expérience, il la guide et l’expérimente en même temps que les patients. Les difficultés rencontrées viennent de l’adhérence des patients à la démarche. La méditation est un investissement en temps et la découverte de nos mécanismes mentaux comme l’accueil de nos sensations corporelles n’est pas forcément toujours agréable. L’attitude exercée dans la méditation est très inhabituelle, presque contre-intuitive ou anti-culturelle. Il s’agit de prendre un temps d’observation sans jugement, de se dépouiller de ses attentes, de ne pas se fixer d’objectif à atteindre. Or nous ne faisons rien sans attentes d’un bénéfice. Mais celui-ci ne viendra que graduellement comme un effet secondaire d’une pratique où l’on cesse de forcer les choses. C’est « voyons comme je suis, comme je respire, et acceptons ce qui se passe », plutôt que « je dois m’apaiser, respirer plus profondément, et intervenir ». Nous avons plutôt tendance à chercher activement à aller mieux, à guérir, à modifier le cours des choses. Les deux attitudes ne sont pas incompatibles mais introduire des moments de recentrage et d’observation consciente dans notre agitation permanente contribue à notre qualité de vie et à notre santé.

 

Bibliographie :

(Réf 1) – Bondolfi G., Jermann F. & Zermatten A. (2011). Les approches psychothérapeutiques basées sur la pleine conscience (mindfulness) : entre vogue médiatique et applications cliniques fondées sur des preuves. Psychothérapie, 31 (3), 167-174. – Stancu C., Weber C., Pechère-Bertschi A. & Zisimopoulou S. (2018). Bénéfices de la méditation chez l’adulte hypertendu. Rev Med Suisse, 14, 1588-92.

(Réf 2) – Bowen S., Chawla N., Marlatt A. Addictions : prévention de la rechute basée sur la pleine conscience. Bruxelles : de Boeck ; 2013.

(Réf 3) – Kabat-Zinn J. Au cœur de la tourmente, la pleine conscience- MBSR, la réduction du stress basée sur la mindfulness. Bruxelles : de Boeck ; 2009.

(Réf 4) – Segal Z.V., Williams M.G., Teasdale J.D. La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression. Bruxelles : de Boeck ; 2006.

(Réf 5) – André C. Méditer jour après jour. Paris : L’iconoclaste ; 2011.

(Réf 6) – Paré D.D., Hamel A., Loranger J., Fournier C., Pouliot B. et Dionne F. (2014). Méditer pour prévenir la rechute, Info-Toxico, 26 (1).

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