Ce trouble est caractérisé par une triade symptomatique, l’inattention comme symptôme majeur reste, à laquelle s’ajoutent, de manière variable, l’impulsivité et l’hyperactivité. L’expression clinique évolue à mesure que la personne, qui en souffre, avance en âge avec atténuation des critères diagnostics purs mais installation de répercussions fonctionnelles importantes.

Déjà chez l’adolescent, le retentissement fonctionnel du TDA-H peut être significatif avec installation de troubles des conduites et du comportement, de consommation de substances, d’un déficit motivationnel, voire d’un échec scolaire. On peut observer également des troubles psychiatriques authentiques notamment anxieux ou de l’humeur. A l’âge adulte, ces troubles psychiatriques sont plus fréquents d’environ 70% (Bernardi et al 2012) et sont souvent associés à des conséquences professionnelles et relationnelles.

La pathologie addictologique compte parmi les comorbidités psychiatriques les plus représentées. La prévalence du TDA-H chez les patients consultant pour un trouble d’usage de substance oscille entre 5 et 30 % en fonction des pays et du type de substance. Le TDA-H peut être également associé à une addiction sans substance.

L’association de ces deux troubles peut être expliquée par des facteurs génétiques et des aspects neuro-biologiques communs. Elle peut être également liée à certains symptômes du TDA-H, tels que l’anxiété et l’impulsivité, qui sont des facteurs de risque pour la recherche de nouveauté et augmentent la possibilité de développer une addiction. Une autre hypothèse pouvant rendre compte de cette association est l’automédication, souvent évoquée par les patients souffrant de TDA-H comme une raison pour leur comportement addictif. En effet, la consommation de certaines substances (cocaine, cannabis) semble compenser, au moins partiellement, certaines dysfonctions cognitives constatées chez les patients souffrant d’un TDA-H.

Chez l’adulte, cette affection est encore sous diagnostiquée et donc insuffisamment traitée. Dans notre pratique clinique, nous rencontrons des patients avec un parcours de vie, souvent, douloureux voire chaotique. La plupart n’avaient pas encore été diagnostiqués.

En effet, poser le diagnostic d’un TDA-H chez un patient adulte n’est pas une démarche simple, devant le changement de la présentation clinique avec l’âge et les processus adaptatifs mis en place par les patients au fil du temps. Poser le diagnostic d’un TDA-H chez un patient souffrant d’une addiction peut s’avérer une démarche encore plus complexe, notamment en raison de la difficulté à établir une anamnèse rétrospective du trouble précise, de l’incapacité à se rendre compte de l’impact de ou des substances sur le fonctionnement cognitif, des symptômes communs aux deux troubles et des interactions avec d’autres comorbidités psychiatriques telles que les troubles de personnalité et les troubles de l’humeur. Tous ces éléments peuvent mener à un retard ou à des erreurs diagnostiques.

Or, chez les personnes souffrant d’un TDA-H, la pathologie addictive associée présente souvent des particularités en faveur d’une sévérité plus élevée (Estevez et al 2016), telles que l’âge de début plus précoce, l’intensité de la consommation ou de la poly-addiction, les difficultés dans les prises en soins liées à la réticence au changement du comportement ou  au risque  plus haut de rechute ou de rupture de soins mais également le retentissement plus important sur le fonctionnement psychosocial.

Citons l’exemple de cette patiente qui se présente dans notre consultation, orientée par son psychiatre traitant dès la constatation d’une problématique addictive. Il s’agit d’une personne à l’approche de la cinquantaine, qui souffre d’un trouble dépressif récurrent depuis le début de l’âge adulte, associé à des traits d’un trouble de personnalité émotionnellement labile (impulsivité, instabilité affective, réactivité émotionnelle). Elle a bénéficié tout le long d’un suivi psychiatrique.

En parallèle et depuis l’adolescence, elle consomme des substances (consommation non avouée aux thérapeutes). Cette patiente a réussi à maintenir son activité professionnelle jusqu’à un épuisement psychique global, quelques mois avant le début de notre prise en charge.

Cette vignette clinique est assez typique chez nos patients, qui gèrent tant bien que mal les fluctuations de leur humeur, l’agitation psychomotrice, la difficulté à maintenir leur attention, par les substances mais se retrouvent confrontés à différents échecs tant sur le plan relationnel que professionnel avec un impact considérable sur leur estime personnelle et souvent des rejets de la société et de leur entourage. La complexité du tableau clinique avec une panoplie de symptômes communs au trouble de personnalité, à la pathologie addictive et au TDA-H ont probablement fait que le diagnostic n’a pas été porté plus tôt, chez cette patiente, malgré un suivi psychiatrique au long cours.

Une fois le diagnostic posé, la mise en place du traitement se trouve confrontée au questionnement, comme souvent dans ces problématiques. Que faire, pourrait-on exiger ou attendre une abstinence totale, une stabilisation des comorbidités psychiatriques pour mettre en place une médication spécifique du TDA-H ? Lequel des troubles traiter en premier ?

Le patient lui-même peut présenter des réactions très différentes lorsque le diagnostic de TDA-H est posé tardivement. Il peut exprimer du soulagement (« je n’étais pas fainéant, bon à rien »), s’identifier au trouble, exprimer de la colère liée au retard de la mise en place du traitement, au vécu de stigmatisation et à la confrontation aux retentissements du trouble sur son fonctionnement psychosocial ou avoir des attentes idéalisées de la mise en place d’un traitement qui viendra régler toutes les difficultés rencontrées.

La prise en soins ne peut être ainsi qu’intégrative multimodale, s’adressant de manière séquentielle voire concomittante aux troubles, tout en s’adaptant aux processus évolutifs du patient. Le travail psycho-éducationnel et psychothérapeutique (Thérapie cognitivo-comportementale, thérapie d’acceptation et d’engagement, méditation pleine conscience) montrent une grande utilité notamment dans le travail d’acceptation du trouble, la place de la substance, la mise en place   de nouvelles stratégies et la gestion émotionnelle.

Les traitements pharmacologiques ont montré leur efficacité dans la réduction des symptômes du TDAH mais qu’un bénéfice léger en ce qui concerne la prise de substances (Carpentier et al 2017).  Ce bénéfice est surtout observé chez les patients ayant une symptomatologie TDA-H plus sévère et qui ont bénéficié d’un plus haut dosage de traitement (Simon et al 2015). Plusieurs études encouragent la mise en place d’une médication non stimulante (atomoxetine, guanfacine), devant le risque de mésusage. Ce risque ne devrait pas réduire l’accès de nos patients à un traitement adapté, au regard des bénéfices possibles de la médication stimulante. Les prescriptions doivent être, en revanche, encadrées et monitorées, afin de réduire les risques d’effets secondaires. Dans notre pratique clinique, nous estimons utile de mettre en place la médication la mieux adaptée, notamment en prenant en considération les attentes de nos patients, ayant un parcours de prises de substances avec probablement des effets de tolérance. Nous nous assurons en revanche, d’une prise de la médication sous observation médicale, comme nous le faisons pour d’autres psychotropes.

En dépit d’un traitement bio-psycho-social bien conduit, la prise en soins de nos patients souffrants de ces pathologies complexes et intriquées est souvent longue, marquée par des périodes d’évolution favorable et d’autres de rechute et de découragement et même de rejet de traitement. Chez certains d’entre eux, les aider à se réinsérer dans un cursus professionnel s’avère en soi un facteur déstabilisant de leur trouble, les confrontant à remettre en place les stratégies, connues pour gérer leurs troubles dont la recherche de la substance. Les encourager à adapter leur fonctionnement à leurs ressources résiduelles, à viser un certain équilibre, bien que précaire, fait partie du travail psycho-social. La demande de l’aide aux services de l’assurance invalidité peut s’avérer une aide utile, offrant un cadre d’évaluation en vue d’une réinsertion professionnelle ou la mise en place d’une activité occupationnelle.

Pour conclure, le TDA-H est un trouble pouvant inaperçu durant l’enfance et l’adolescence et avoir des répercussions psychologiques et fonctionnelles importantes chez l’adulte. Investiguer systématiquement ce trouble chez les personnes présentant une problématique addictive permet de dépister les patients souffrant de ce trouble et de leur permettre de bénéficier d’une prise en charge adaptée à leurs troubles. Les traitements pharmacologiques, bien que efficaces, sont encore stigmatisés chez nos patients et leur famille. Il est utile pour nous, soignants, de bien connaitre les particularités de ces molécules afin d’informer les patients sur leurs effets bénéfiques et indésirables, de les monitorer de manière progressive tout en visant un dosage efficace.

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